De nouvelles observations par satellite révèlent un lien entre les forêts et l’acidité des pluies
 

Une équipe du LATMOS/IPSL 1(CNRS/UPMC/UVSQ), en collaboration avec des chercheurs belges de l’Institut d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB) et de l’Université libre de Bruxelles (ULB), a mis en évidence l’existence d’une source importante d’acide formique au-dessus des forêts boréales et tropicales. L’acide formique est identifié comme le principal responsable de l'acidité des pluies dans ces régions. Ces résultats, obtenus grâce aux mesures infrarouges de l’instrument français IASI2 embarqué à bord du satellite météorologique MetOp3, sont publiés en ligne dans la revue scientifique Nature Geoscience du 18 décembre 2011.


Les acides nitrique et sulfurique sont responsables de l’acidité des pluies dans les régions polluées de notre planète. Ce que l’on sait moins, c’est que l'acide formique, le plus simple parmi les acides organiques, contribue fortement à l'acidité des pluies dans les milieux éloignés de la civilisation. Le cycle atmosphérique de ce composé est loin d'être compris : l’acide formique est émis directement dans l’atmosphère par les activités humaines, les feux des forêts, et les feuilles des plantes. Ces dernières contribuent aux émissions dites biogéniques. L’acide formique peut également être formé par la dégradation photochimique d’autres composés organiques, également émis par la végétation. C’est la plus importante mais aussi la plus incertaine des sources de ce composé.

En utilisant la première cartographie globale de l’acide formique obtenue grâce aux mesures prises dans l’infrarouge par l’instrument IASI du satellite MetOp, les chercheurs ont réussi à fortement réduire cette incertitude à l’aide des simulations numériques réalisées avec le modèle de chimie atmosphérique IMAGES développé à l’IASB. Grâce au modèle et aux données IASI, les chercheurs ont pu démontrer que les forêts produisent près de 100 millions de tonnes d’acide formique par an à l’échelle globale, soit 3 fois plus que les sources identifiées jusqu'à aujourd’hui. Cette nouvelle source, dominante au-dessus des forêts boréales, est vraisemblablement due à l’oxydation de composés organiques émis principalement par les conifères. Bien que l’identité précise de ces composés de courte durée de vie reste inconnue, l’impact sur les précipitations acides a pu être déterminé grâce à la modélisation globale du cycle atmosphérique de l’acide formique. Les chercheurs montrent que la source additionnelle de ce composé augmente l’acidité des pluies et ils estiment la contribution de l’acide formique à l’acidité des pluies à 60-80% au- dessus de la taïga pendant l’été. Elle atteint aussi 30-50% aux Etats-Unis pendant la même période.


1 Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales qui fait partie de l’Institut Pierre-Simon Laplace

2 Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge, instrument construit par le CNES et lancé à bord du satellite MetOp fin 2006

3 Le programme MetOp lancé par Eumetsat va couvrir 15 années d’observation de la composition atmosphérique en continu avec trois satellites successifs. Le lancement de MetOp-B est prévu fin mai.

 

Références :

Satellite evidence for a large source of formic acid from boreal and tropical forests, T. Stavrakou, J.-F. Müller, J. Peeters, A. Razavi, L. Clarisse, C. Clerbaux, P.-F. Coheur, D. Hurtmans, M. De Mazière, C. Vigouroux, N. M. Deutscher, D. W. T Griffith, N. Jones, C. Paton-Walsh, Nature Geoscience, en ligne le 18 décembre 2011.